Back to Reviews

Los Natas + Cabron, Paradox, Leuven; October 24th (François Becquart)

CONCERT REVIEW

L’offensive Stoner sur la Belgique continue de plus belle avec un nouveau concert de Los Natas sur les terres de Flandre, le deuxième en moins d’une semaine. Après avoir ravagé la ville d’Anvers, les Argentins s’en prennent aujourd’hui à Louvain et un nouveau bar qui fait partie du circuit des salles où Orange Factory place maintenant les groupes Stoner qu’elle fait venir en Belgique. Comme complice de ce forfait, le groupe belge Cabrón va faire office de première partie pour Los Natas et leur show très dynamique ouvre les hostilités.

J’avais déjà vu Cabrón l’an dernier et je constate qu’ils sont en bonne voie vers le son qui fait mal. Leur style fait penser à du Queens Of The Stone Age qui seraient partis en stage de recyclage dans une centrale électrique australienne, tant leur Stoner est mâtiné d’énergie bien brute. Le groupe est mené par les frères Reynders, Jo (batterie) et Erwin (basse). Avec Alejandro Garrido à la guitare et au chant, ils ont recruté leur troisième frère Pé qui actionne une seconde guitare, ce qui donne évidemment plus de coffre à l’ensemble. Ce nouveau gratteux ressemble plutôt à un ingénieur des ponts et chaussées avec ses lunettes et le cheveu rare mais son style ne le cède en rien à la technique agressive du guitariste d’origine, tout fier de sa Fender Telecaster orange flambant neuve. Le bassiste est bien amusant : chevelu et barbu, il porte un chapeau haut-de-forme qui lui donne un petit côté "glam". En tout cas, on connaît maintenant l’origine du tremblement de terre au Pakistan : c’est son jeu de basse terrible qui assure un groove imprenable et fait vibrer tout le quartier. Le groupe multiplie les démos et on espère qu’il sortira bientôt un album digne de ce nom car ses sonorités à la fois Stoner et Rock’n roll valent le coup. C’est ce qu’il démontre en achevant le public avec une reprise saignante du "Riff Raff" d’AC/DC.

Los Natas vont trancher par rapport à cette première salve. Les Argentins sont connus pour leurs longs morceaux progressifs, aussi complexes qu’une notice de montage d’un meuble Ikea. Le trio installe tranquillement son matériel et sa balance sert en fait de démarrage au show, qui va nous emmener pendant une heure et demie aux confins du riff stratosphérique et de courses de chars célestes. Los Natas nous emmènent dans de longues promenades vers des morceaux complexes, où l’auditeur passe dans des sas sonores au rythme de breaks qui ouvrent sans cesse sur de nouveaux étages, enrichis de rythmiques circulaires et de leitmotivs lancinants.

Dans le public, tout le monde est aux anges et on se croirait en 72 : certains font du headbanging en transe, d’autres commentent en connaisseurs la technique du batteur en roulant des joints. Tout le monde se retrouve entre frères et sœurs du son et c’est bien sympathique. Cette ambiance recueillie est juste perturbée par l’arrivée d’un vieil ivrogne qui veut faire la fête un peu trop bruyamment. Le Paradox est un bar situé sur une rue assez passante et n’importe qui peut y mettre les pieds. On lui fait comprendre gentiment qu’Elvis Presley est mort et il retourne balbutier dans le fond de la salle.

Parfois, le groupe simplifie son voyage et attaque sur de gros riffs lourds et inquiétants, à l’électricité malsaine. Ce trio capable de faire flotter Hawkwind et de faire hululer Black Sabbath dans nos oreilles prend toute sa dimension sur scène. Par rapport à leur passage à Louvain en 2004, Los Natas développent ici une prestation résolument progressive, moins hargneuse. Ils ne jouent pas par exemple cette reprise du "Brainstorm" d’Hawkwind qui avait mis l’année dernière la salle du Sojo sens dessus dessous. Le petit batteur hirsute grimaçant comme un Christ en croix est un animal du fût, au jeu très progressif qui laisse soudain la place à de fulgurantes attaques sur les tambours et les cymbales, toutes baguettes dehors. Je retrouve chez eux tout ce qui a fait le sel du rock progressif argentin dans les années 1970, les Vox Dei, Almendra, Color Humano et autres Pappo’s Blues, bien aériens et râpeux à la fois.

Los Natas se laissent aller sans vergogne dans leur trip et la douzaine de morceaux passe bien vite. Avec un rappel de trois titres, plus un quatrième en rab car il reste cinq minutes avant le couvre-feu, le groupe accomplit une prestation fantastique et extrêmement bien maîtrisée.

Tout pour los hombres,
François BECQUART pour PSYCOTIC S.T.