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Acid King + Hypnos 69, De Klinker, Aarschot; October 21st (François Becquart)

CONCERT REVIEW

Ca y est! J’ai vu Acid King en vrai! Vive la Belgique! Vive l’association Orange Factory qui s’est décarcassée pour nous amener sur scène ce groupe culte directement en provenance de San Francisco. Acid King, combo tellement mythique qu’on se demandait s’il existait vraiment. Il faut dire que le trio mené par la légendaire Lori S. depuis une douzaine d’années n’est pas très prolixe en matière de disques : trois albums en dix ans. Ce groupe est désormais une figure historique de la scène Stoner californienne, ayant ouvert pour les plus grands du genre (les Melvins, Sleep, The Obsessed, Hawkwind, Fu Manchu). Lori S. est d’ailleurs l’épouse de Dale Crover des Melvins et gère Acid King d’une main de fer avec son fidèle batteur Joey Osbourne. Les bassistes ont l’habitude de se succéder dans les rangs d’Acid King et c’est aujourd’hui Guy Pinhas (ex-Obsessed, ex-Goatsnake, excusez du peu…) qui tient la quatre-cordes.

Le passage d’Acid King en Europe en cette fin 2005 sera encore conté dans les chaumières après des décennies et les petits veinards qui ont réussi à trouver la salle du Klinker, perdue au fond de la ville d’Aarschot, elle-même perdue au fond de la Flandre, pourront clamer "J’y étais". J’ai failli ne pas en être car le club en question, situé autour d’un grand parking entre une piscine municipale et un commissariat de police (glarg…) est plutôt discret derrière sa ligne d’arbres et j’ai eu un mal fou à la trouver. Cependant, l’endroit semble confortable avec une salle propre et une scène spacieuse.

L’apéritif va être servi par Hypnos 69. Le groupe belge, l’un des plus en vue de la scène locale, fait la mise au point de ses instruments en se livrant à une jam improvisée avec deux musiciens de Titty Twister. Il y a au départ quelques problèmes de son avec un gros effet de souffle qui fait trembler toute la salle de ses vibrations infra soniques. Après quelques petits réglages en début de prestation, tout revient à la normale et Hypnos 69 va pouvoir nous livrer un show efficace, plus vif que ce que j’avais vu d’eux l’an dernier. Moins de progressif, plus de rock et surtout un nombre appréciable de reprises. Le quatuor entame sa prestation avec "Endless void", un long morceau psychédélique qui permet toutes sortes de diversions, de digressions, de transgressions et d’agressions électriques. Le guitariste est en forme et va nous montrer l’étendue de son art à travers des reprises fort bien maîtrisées : "I want you (she’s so heavy)" des Beatles et surtout "Starless et bible black" de King Crimson, totalement fabuleux. Cette version provoque en moi un choc spatio-temporel et je me retrouve subitement en 1974, face à des sosies de musiciens célèbres (enfin presque…) : oui, le bassiste d’Hypnos 69 ressemble à Andy Fraser de Free, le claviériste est une copie de Ray Manzarek des Doors, le batteur fait penser à John Bonham de Led Zeppelin et le guitariste est une résurgence de Del Bromham de Stray. Fantastique! On sent nos gaillards stimulés par la présence d’Acid King en coulisses. Hypnos 69 poursuit sa progression dans des titres à la construction complexe, multipliant les épisodes sonores et montant patiemment son mur de son. Il se fend même d’une dernière chanson en guise de rappel avec son habituelle reprise du "Into the sun" de Grand Funk, que j’ai toujours un peu de mal à accepter car je suis un fan ultime de Grand Funk et que je reste marqué à vie par leur version incendiaire de ce morceau dans le "Live album" de 1970. Pourtant, avec l’aide d’un copain du groupe au chant, Hypnos 69 parvient à déballer des improvisations captivantes et dynamiques, avec force solos babyloniens et tout le grand jeu.

L’air de rien, on en a eu pour une heure et quart de première partie et Acid King agrippe la scène vers 22 heures, après un soundcheck très court. Trois notes en guise de réglages et c’est parti. Je suis bien obligé de constater que la petite bonne femme boulotte qui m’est passée devant tout à l’heure alors que j’attendais devant la porte n’est autre que Lori S. Bon sang! Les photos sur Internet n’ont pas été réactualisées depuis longtemps. Je m’attendais à voir une espèce de Pamela Anderson du Stoner, une bombe sexuelle, mais le temps en a plutôt fait une ménagère tatouée de moins de 50 ans. Pourtant, quelle sacrée bonne femme! Une magnifique Gibson Les Paul cramoisie en mains, elle démantèle les tympans comme à l’exercice avec un amoncellement de riffs lents et lourds. Le Stoner-Doom d’Acid King n’est pas excessivement violent mais s’avère ultra-lourd. Le power-trio engloutit le public sous un empilement de riffs abyssaux. Les morceaux s’enchaînent et se ressemblent toujours un petit peu : structure monolithique, pas ou peu de solos, une lourdeur astrale qui colle aux bottes, vous empêche de bouger et vous garde blotti dans une rêverie métallique inextricable. Les guitares sont carénées à l’huile de cactus et sont frottées à la brosse de poil de coyote. Ca sent bon la bonne grosse musique du désert, entre Sleep et Kyuss, totalement soumise à la dictature du son massif. Le batteur Joey Osbourne aplatit tranquillement ses fûts sans forcer. Le bassiste, qui n’est pas Guy Pinhas mais un jeune angelot bouclé tout droit sorti de la chapelle Sixtine, manipule une grosse basse noire qui entre ses doigts puissants fait figure de fétu de paille agité en tous sens. Le show d’Acid King ne restera cependant pas marqué par une violence et une énergie débridée. On reste dans le calme et dans le pesant et le groupe se contente d’une heure et quart de concert, avec un minuscule break avant le rappel. On a l’impression que le groupe est pressé de finir. C’est dommage car Acid King était attendu comme le Messie en Europe : cette première tournée depuis au moins cinq ans a commencé le 12 octobre et aurait dû trouver le groupe pas trop fatigué à ce stade de son voyage. Ceux qui veulent encore les voir devront les suivre en Grande-Bretagne où ils vont sévir jusqu’au 6 novembre. Je ne suis cependant pas déçu, ce groupe étant tellement culte et rare que je peux déjà m’estimer heureux de l’avoir vu en chair (surtout pour Lori S.) et en os.

Tout pour le King.
François BECQUART pour PSYCOTIC S.T.