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Monkey 3, Cruising on Majik Carpets; Paradox, Leuven; November 11th (François Becquart)

CONCERT REVIEW

Avec les deux groupes qui nous attendaient ce soir au petit bar du Paradox à Louvain, il a vite été clair que le concert était interdit aux chanteurs : au programme, de l’instrumental et encore de l’instrumental.

Devant un public très clairsemé, les six membres de Cruising On Majik Carpets entament les débats avec un Stoner très progressif, à la limite du jazz-rock. Cette formation est en fait un side-project des groupes belges Hypnos 69 et Titty Twister, avec quelques copains pour compléter les effectifs à la guitare rythmique et à la batterie. On reconnaît Steve Houmeyers, Steven Marx et Tom Vanlaer, guitariste, saxophoniste et bassiste d’Hypnos 69. Tom Vanlaer dernier tient les claviers (et le Mellotron) et laisse sa basse au guitariste de Titty Twister. On connaissait déjà les talents de celui-ci à la six-cordes et à la basse, l’individu se révèle tout aussi excellent. Il lance un thème qui est suivi par ses camarades et c’est parti pour de longues jams improvisées de 10 minutes, très jazz-rock progressif (ça me fait penser à des groupes anglais ultra obscurs des années 70 comme Warm Dust ou Walrus et aussi un peu Gentle Giant). Les musiciens se tiennent dans une structure rythmique et les échappées en soliste sont rares. Ce n’est que vers la fin du set que Steve Houmeyers abandonne sa Gibson Les Paul pour une Fender Stratocaster dont il attaque le manche pour démarrer quelques solos emportés, qui coûtent d’ailleurs une corde à la guitare. Puis les deux guitaristes quittent la scène, ce qui permet au Mellotron et au saxophone d’occuper le terrain de l’improvisation. Même le batteur est poussé au solo par ses petits camarades taquins. On sent que les types ont de la bouteille car ils sont capables de réagir au moindre riff proposé par la basse et partir sur de longues élucubrations électrifiées. Le jeu de scène est limité au minimum, les six musiciens occupant une scène dont la superficie égale celle de mes toilettes.

C’est maintenant au tour de Monkey3 de nous montrer ce qu’il sait faire. Ces Suisses ne sont pas trois mais quatre et viennent de Lausanne. Ils ont réalisé en 2003 un premier album éponyme entièrement instrumental, réédité en 2004 par le label Buzzville Records. D’abord, le groupe installe un matériel impressionnant. Positionner l’énorme batterie sur la petite scène nécessite un doctorat en aménagement du territoire. Tout est méticuleusement installé, les instruments sont nickels, on a affaire à des Suisses, ne l’oublions pas. Rien ne se perd, la peau blanche de la grosse caisse sert d’écran pour la projection d’images psychédéliques parfois guerrières ou macabres. Le visuel du groupe est aussi axé sur le thème de la "Planète des singes", avec notamment une photo de famille des singes du célèbre film qui trône sur un des amplis. Monkey3, les singes, tout se tient… Boris, un guitariste copieusement tatoué aborde la scène avec ses camarades et lance l’assaut vers les hautes sphères. A ce moment, la salle s’est un peu plus remplie mais ne comptera qu’environ une soixantaine de personnes. Monkey3 propage le long flottement d’une mélopée interplanétaire, juste bousculée de temps à autre par des explosions sonores et de fantastiques montées en puissance. Le batteur Walter impose un assemblage rythmique rigoureux sur lequel viennent se plaquer les riffs solides du bassiste Picasso et de son imposante Gibson Thunderbird. Celui-ci est recroquevillé sur son instrument, ramassé sur lui même comme un All Black prêt à bondir. Le claviériste Mister M. produit des effets cosmiques dignes d’un guide touristique vénusien. Monkey3 se qualifie lui-même de groupe de psychostoner et son style très progressif et technicien s’étend sur des périodes stratosphériques construites avec une rigueur scientifique. Monkey3 résout l’équation musicale ultime par ses constructions mélodiques finement ouvragées où l’absence de chant est totalement oubliée, tant la musique se suffit à elle même pour parler aux âmes. Riffs saturniens, ambiances spatiales, tout est mis en œuvre pour faire voyager l’auditeur dans l’espace et dans le temps, en tout cas dans un lieu où se déroule la querelle des Anciens (King Crimson, Pink Floyd) et des Modernes (Anekdoten, Ufomammut). Avec seulement un premier album, il est logique que Monkey3 ne tienne pas trop longtemps la scène avec une petite heure de show principal. Mais deux rappels constitués de longs morceaux olympiens viennent rassasier le public qui peut se préparer à passer un week-end heureux.

Après le show, j’ai l’occasion de bavarder un peu avec le Picasso et Boris, des garçons extrêmement sympathiques qui m’annoncent qu’ils reviendront en Belgique la semaine prochaine pour le mystérieux Buzzfest, un mini-festival qui se déroulera à Opwijk, au fin fond de la Flandre. Et nous y serons!

François BECQUART pour PSYCOTIC S.T.