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ON TRIAL + CRUISING ON MAJIK CARPETS, Den Hemel, Zichem, Fri September 8 (by François Becquart)

CONCERT REVIEW

En cette belle journée de septembre, les jours encore un peu longs m’ont permis de retrouver sans me perdre le Hemel, petite salle du petit village de Zichem, pas loin de Diest et de Louvain, bourgades chéries des Flandres. Il s’agit bien entendu de Stoner et de Stoner danois en particulier, avec les rêveurs d’On Trial, un groupe fondé dès la moitié des années 80 et qui produit discrètement des disques du plus pur jus psychédélique depuis 1995. J’ai déjà eu affaire à ce quintet scandinave et je dois reconnaître que leur vénération pour des groupes mythiques des années 60 comme Love et les Thirteenth Floor Elevators ne peut qu’être approuvée avec la dernière énergie. A tous les moins de vingt ans, à tous ceux qui ont commencé à écouter de la bonne musique il y a 15 jours, à tous ceux qui croient que le Rock a commencé avec Nirvana et Oasis, je précise tout de suite : écoutez les Thirteenth Floor Elevators et Love. Les premiers sont des Texans et ont inventé le psychédélisme en 1966 et les seconds sont des princes de l‘Acid rock, géniaux et incompris, et surtout menés par le désormais défunt Arthur Lee, qui nous a quittés le 3 août dernier, ce qui est un scandale. Il est vrai que nos petits camarades d’On Trial ont des lettres en la matière et leur prestation scénique va nous jeter directement en août 1966, pour le plus grand plaisir de la soixantaine de personnes qui avaient fait le déplacement et qui étaient relativement peu nombreuses, il faut bien l’admettre. Mais, comme on dit en cette occasion, tant pis pour les autres.

La mise en place se fait tout en douceur. Je suis entré depuis longtemps dans la salle, seul, et je bavarde avec Benny, le maître à penser de l’association Orange Factory, qui accomplit régulièrement de petits miracles pour la cause du Stoner en Belgique. Ce n’est que vers 21h30 que Cruising On Majik Carpets investit la scène pour 45 minutes de préchauffage distillées à coups d’improvisations heavy progressives du meilleur effet Seventies. Derrière ce petit combo de circonstance entièrement dévoué au mythe de King Crimson et de Led Zeppelin réunis, se cachent des membres des groupes belges Hypnos 69 et Titty Twister. Et quand le guitariste d’Hypnos 69, accompagné de son saxophoniste, rencontre le guitariste de Titty Twister (qui tient la basse pour l’occasion), cela fait des étincelles cosmiques. Cruising On Majik Carpets est essentiellement une formation d’improvisations qui parvient à faire décoller l’auditeur à tous les coups grâce à la technique savamment maîtrisée de ses membres. L’improvisation pure semble aujourd’hui relativement domestiquée, puisqu’un chanteur vient placer des paroles élaborées sur les voyages musicaux entrepris par les hommes de Cruising On Majik Carpets. En tout, quatre morceaux de près de 10 minutes de moyenne viendront enjoliver ce petit show tout à fait sympathique. Le guitariste Steve Houtmeyers, qui officie dans Hypnos 69 (en train de terminer son nouvel album prévu pour octobre, tenez-vous le pour dit), est particulièrement en forme et plaque sur ses Les Paul des rivières de notes fluides et aériennes. Et le bouquet arrive avec le dernier morceau, une reprise du "Heartbreaker" de Grand Funk Railroad, que je trouve fabuleuse puisque je suis un fan invétéré de ce groupe.

Il faut peu de temps pour changer le matériel, faire la balance et laisser opérer On Trial sur la petite scène du Hemel. Les cinq Danois menés au chant par l’imposant et longiligne Bo Morthen Petersen vont déployer un set au petit trot qui va faire tenir en une heure et dix minutes une douzaine de morceaux, plus trois titres en deux rappels. De nombreuses chansons proviennent du dernier album "Forever", sorti en mai dernier et qui reste fidèle à la tradition On Trial, c’est-à-dire de l’énergie psychédélique savamment dosée en plomb, avec la petite touche aérienne et désespérée qui ne cesse de rendre hommage aux groupes psychédéliques du désert, les Love, Thirteenth Floor Elevators et autres C.A Quintet ou Josefus. Ils sont d’ailleurs sans doute les derniers défenseurs de ce genre, avec leurs compatriotes de Baby Woodrose. Si les Fuzztones étaient nés à Copenhague, ils s’appelleraient On Trial. A l’heure où tout le monde veut faire du néo-Garage, du néo-Metal, du néo-progressif et autres néo-fariboles, On Trial se pose en survivant de l’infini et établit un couloir direct entre notre présent poisseux et mai 1967. Ces gusses sont authentiques dans leurs convictions et les pédales d’effet d’époque, associées à une vieille guitare Logstrom (copie de Fender Srato) du six-cordistes Henrik Hobbit Klitrøm (en danois dans le texte) sont là pour rappeler la passion du détail et le souci de recréer le grand son psychédélique des années 60, celui qui fait rêver, celui qui fait voyager. Le set d’On Trial est abondamment nourri des nouveaux morceaux de "Forever" et les musiciens démarrent en puissance avec un batterie de nouveautés séduisantes, comme "Morning sun in Burg Herzberger", "Mountain", "Kill city lights", "Black seagull", "Believe". Viennent ensuite quelques valeurs sûres, comme "Sleeper" (du magnifique album "New day rising" de 1999) ou des extraits de "Blinded by the sun", un autre excellent album de 2002. Nous avons même droit à un petit interlude improvisé à base de reprise de Thirteenth Floor Elevators (tiens donc!) pendant que le bassiste change une corde brisée. La première partie du voyage est engrangée en une petite heure et le quintet en ressert une louche avec un premier rappel composé d’une reprise de Love ("A house is not a motel", un habitué des concerts d’On Trial) et "That’s right", une chanson qui figure sur l’édition américaine de "Blinded by the sun", ainsi qu’en single. Face au public qui n’a pas eu sa ration et qui mugit pour un nouveau rappel, tout le monde revient pour exécuter un dernier "Blood butterfly" (chanson ancienne du deuxième album que l’on retrouve aussi sur le live de 2004).

Bref, les amis, ce fut un bien beau moment, taillé dans le psychédélisme total, harponné par la magnificence des Sixties et engourdi dans la torpeur lysergique de l’électricité acide.

François BECQUART pour PSYCOTIC S.T.

Set list : Morning sun in Burg Herzberg / Mountain / Pure evil / Kill city lights / Black seagull / Believe / Lovecraft / Sleeper / Be forewarned / Blinded by the sun / Too late / Blood river / A house is not a motel(rappel 1) / That’s right (rappel 1) / Blood butterfly (rappel 2)